Une place au soleil

Il a le visage déchiré,  d'une chute ou d'une bagarre, le pantalon au ras du caleçon et le caleçon au ras des fesses......Il mate les filles et aux filles, il réclame avec un sourire charmeur et des grands "bonjour mademoiselle" une ptite pièce, une ptite clope......Il repousse le grand noir ivre qui harangue la foule en tournant sur lui avec l'écharpe nouée à la jambe et les bretelles pendantes .....Il crache sur celui qui lui laisse rien pour peu qu'il se permette la critique et le rudoie d'un" tu t'es vu toi, t'es habillé comme la mort, vas crever !" Sa petite chienne "bestiole" se fait traiter de gueuse de fille et de casseuse de couilles car "tiens regarde le copain de chien lui il quémande pas, il est pas comme toi....t'es qu'une bonne femme, allez couche toi là..comme les femmes, c'est ça qu'on en fait....."

Moi, derrière mon écran de perles, je les regarde se vautrer au soleil et je ne sais pas qui de nous vit le plus au soleil.........Je les regarde avaler leurs frites du quick.....moi je mange du kebab sauce samouraï........Ils ont posé dix pièces sur la gibecière pour ferrer celles qui y tomberaient...Le butin est maigre de toute façon......Moi je n'ose pas sortir mon accordéon, si des fois c'est pas leur bock de bière.....ils ont pas le genre tasse de thé....... ils respirent la violence des mots et des gestes....Ils crachent après rien, ils crachent et c'est tout......La potière leur a porté du café........Ils l'ont bu......J'aurais même pas osé.
Le recycleur de fer qu'a bien vécu et bien voyagé est certain : "t'inquiètes, c'est le même qui dans dix ans portera la cravate à la banque du coin et crachera sur ce qu'il est, là". La séance était gratuite.Je crois qu'ils ne m'ont jamais vue de leur coin de trottoir à ma cabane de bois.

Je ne sais pas qui a raison. Quand le soleil s'est caché, ils sont partis, j'ai quitté ma place de comme-au-cinéma.....Je suis sortie danser un deux trois un deux trois, accordéon en bandoulière. J'ai pas osé poser mon chapeau.....