Chacun a son mai 68
Elle était calme la cité de "la prairie de l'Oly" qu'ils rejoignaient chaque soir et pourtant ils rentraient en rasant les murs, des larmes plein les yeux; c'est qu' ils travaillaient dans une boucherie, rue Monsieur le Prince, à deux pas du jardin du Luxembourg et de La Sorbonne. Les rideaux de métal du petit commerce dans le mouv des années 60 condamnaient la boucherie aux rares clients. Ils étaient témoins des barricades, des affrontements, des lâchers de pavés, des manifs et des cris; ça leur rappelait la guerre et ils avaient peur. Ils faisaient des réserves de sucre, de café et de boîtes de conserves. Et lorsque mon père et ma mère rejoignaient leur banlieue le soir, après avoir tremblé toute la journée, je lisais la terreur sur leurs visages. Il y a quarante ans. J'allais avoir 11ans. C'est mon souvenir de mai 68.