Passage chez les crabes

7 avril 2008

Passage chez les crabes

J'ai mis quatre mois à dire oui à la proposition de devenir conseillère municipale, ou du moins à accepter de mettre mon nom sur une liste apolitique au service d'un "village" de 1700 habitants et toutes commodités....

Lorsqu'on vient vous chercher, on vous précise que si vous prétendez "être de gauche", ça le fera pas....donc ne parlons pas politique....

Vous soulignez que vous n'êtes pas d'ici à l'origine, que vous avez des ennemis pour certaines raisons pas précisées mais précises pour vous, que vous ne citez pas lors de l'entretien "d'embauche" mais que voici : vous êtes atypique, plutôt clown, plutôt ronde, plutôt chahuteuse, plutôt artiste avec un compagnon de vie aussi rebelle que vous et encore plus artiste, qui a fait père au foyer (définition de fainéant!) et de santé fragile, pour que vous repreniez une activité pour laquelle vous avez été diplômée autrefois (abandonnée pour mieux "élever" vos cinq enfants) et que certains vous jalousent, allant jusqu'à dire que vous n'êtes pas à la hauteur. Comble de tout, vos chaussures ne relèvent pas du déguisement de conseillère. Vous affichez un amour de l'humanité qui passe par la tendresse et l'espoir que vous portiez à vos bébés, allaités jour et nuit et même pendant les conseils d'école d'où on vous a renvoyée, il y a quelques années, la tendresse et l'espoir que vous portez à vos enfants, élevés sans fessées (rien que 2 mains pour 5 enfants) et sans punitions (pas de télé à la maison, on peut donc pas punir!), la tendresse et l'espoir que vous portez aux enfants des autres puisque vous travaillez auprès des ados.
On vous répond que tout le monde a des ennemis...et que là on a besoin de quelqu'un comme vous.

Flattée puis boostée par des voisins et amis enthousiastes, vous dites oui.

Vous commencez à mette de l'énergie et même de l'âme, ce qui vous sera immédiatement reproché par un plus carré que vous. Vous pensez déjà à la démission, mais on vous redit qu'on a besoin de vous et même si vous êtes consciente que le besoin de vous est avant tout le besoin de boucler une liste, vous vous laissez faire.

Vous êtes finalement élue 11ème sur une liste de 19. Ca vous rend triste que certains électeurs ne veuillent pas de vous, même si vous le saviez.

A peine vous êtes élue, vous comprenez que quand même la force politique est bien présente et que cette force sert quand elle arrange ceux qui disaient ne pas vouloir faire de la politique...

Pendant ces mois de pré-élection, on vous a dit que rien n'était fait, qu'outre la poursuite du programme, tout est à faire ensemble...titre choisi pour le nom d'équipe....

C'est juste après l'élection de la liste entière mais avec des scores plus légers pour certains , que vous constatez que l'ensemble comprend des sous ensembles dont l'un s'est constitué dès la formation de la liste, les autres étant quelques pions toujours utiles, dans un premier temps, à être au complet et dans un deuxième temps à permettre à certains d'être élus.

Vous brandissez un de vos idéaux : la communication, mais ça n'y fait rien. Le langage du coeur, c'est comme des gros mots pour eux.

Vous êtes tombée dans un panier de crabes et vous êtes sûr de ne pas avoir les bonnes pinces pour y survivre; d'ailleurs là dedans vous ressemblez à une crevette.

Je suis désolée pour Camille, élue à d'autres belles responsabilités. Je suis désolée pour Robert, pour Gérard, pour Jean-Luc, pour Patrick et les autres. Et pour les 536 électeurs qui avaient accepté mon nom.
Mais ce soir, lundi 7 avril, après avoir posté ma lettre de démission, je me sens libre et je respire.
Presque tous les mots de ce post attendaient en mode brouillon depuis le 17 mars.